Les filles avaient envie de regarder un bon thriller. Comme les comédies, ce genre de demande est de plus en plus difficile à satisfaire. On a presque tout vu, du moins parmi les meilleurs. Il faut trouver un film que personne ne connaît. J'ai proposé The Staircase de Jean-Xavier de Lestrade (DVD ed. Montparnasse), un feuilleton documentaire en huit épisodes, en tout six heures certes un peu étirées, mais le suspense et les coups de théâtre nous ont tenus en haleine depuis la découverte du corps jusqu'au verdict. Tiré de 650 heures de rushes, tourné jusqu'à trois caméras, le film ne comporte aucun commentaire.


Crime ou accident ? Pas question de révéler ici quoi que ce soit de cette affaire qui a pourtant été énormément couverte par les médias, en particulier grâce au film, et dont de nouveaux épisodes sont en cours de tournage et montage, plus de dix ans après les faits, car les rebondissements n'ont pas cessé depuis le verdict. Juste situer la mort de Kathleen Peterson en bas d’un escalier de sa maison le 9 décembre 2001 à Durham, Caroline du Nord, un état du sud des États Unis particulièrement réactionnaire. Son mari, Michael Peterson, romancier à succès et personnage public, est suspecté l'avoir assassinée. Très vite, la morale devient le véritable mobile, non pas de la mort, mais du procès en sorcellerie que l'accusation déballe au fur et à mesure. Le procureur s'acharne. La bataille des avocats dure des mois...
Je voulais titrer "Le mauvais esprit de l'escalier", mais les deux jeux de mots imbriqués compliquaient les choses. L'esprit de l'escalier, propre à tout long procès, descendait de Lestrade quand le mauvais esprit incombait au procureur et à sa coéquipière tentant de convaincre les jurés de la culpabilité de Peterson non sur ses actes supposés, mais sur ses inclinations sexuelles sans rapport avec le sujet. Et l'esprit de l'escalier ne sera découvert que des années plus tard. Mystère. En 2002 le réalisateur avait reçu un Oscar pour Un coupable idéal, un jeune noir accusé à tort, mais The Staircase (traduit Soupçons en français) me fait plutôt penser à Capturing The Friedmans, chef d'œuvre d'Andrew Jarecki (DVD mk2) pour ses ramifications morales et l'usage de la vidéo, ici caméra à l'épaule omniprésente, chez Jarecki home-movies exceptionnels constituant une sorte de tournage parallèle.