Le DJ saturait les enceintes. Ma tête ressemblait à une citrouille. Je suis descendu dans le jardin rejoindre les fumeurs, quitte à attraper la crève. C'est fait. Au clair de lune, devant les bambous, je rencontre Alex qui partage mon goût pour Ives, Ligeti, Scelsi et quelques autres atypiques... En rupture d'avec ses études classiques il a plongé dans la composition instinctive. Ma démarche aboutit au même point, mais en passant par le terrain ! Dans la conversation il évoque une compositrice américaine dont il est fan et dont je n'ai jamais entendu parler, Gloria Coates (autre site).


Née en 1938 dans le Wisconsin, vivant aujourd'hui à Munich, Gloria Coates affectionne particulièrement les glissandi chers à Penderecki (première période) et Xenakis, les timbales venant souvent donner du gras aux cordes. Sa musique n'a pas la froideur des férus de mathématiques. Les sentiments dramatiques flottent au-dessus d'un océan lugubre. Les pièces pour orchestre, à la fois minimalistes et aux textures insaisissables, conviennent particulièrement à sa critique du monde. Gloria Coates joue des dissonances, quarts de ton, canons et palindromes sans ne jamais négliger de susciter de fortes émotions. On pense au Hongrois et à l'Italien évoqués plus haut ainsi qu'aux Américains qu'elle se charge de faire connaître en Allemagne. À son actif, quinze symphonies, neuf quatuors, des pièces vocales et chorales, de la musique électronique, quantité d'autres alliages et les tableaux qui ornent ses pochettes. Je me suis fié à mon interlocuteur et j'ai commandé tout ce qui était disponible. S'annonce un festival Coates en ma demeure.


Tandis que je remplis mon panier j'en profite pour y ajouter un nouvel album de pièces de Fausto Romitelli (1963-2004) interprétées par l'Ensemble Musiques Nouvelles dirigé par Jean-Paul Dessy, mais je n'ai pas le même choc qu'avec Professor Bad Trip ou An Index of Metal. Y sont réunies Amok Koma, Flowing Down Too Slow, Domeniche alla periferia dell'impero, nell'alto dei giorni immobili et The Nameless City. On retrouve néanmoins tout ce qui nous fascinait, liberté totale de ton et d'emprunt sans ne jamais perdre son propre style, maîtrise des timbres, l'oreille absolue pour son temps, à savoir que d'être capable de tout entendre lui ouvre la voie des découvertes...
Enfin le nouveau Kronos Quartet est consacré à Vladimir Martynov, né en 1946, qui passe ici Mahler et Schubert à la loupe et au ralentisseur ! Musique répétitive à la russe où le tempo est détendu jusqu'au point mort, la contemplation musicale naissant de cette abstraction figurative, transposition probable de rites orthodoxes, démarche classique en regard de celle de Romitelli... Pour le Schubert-Quintet (Unfinished), l'ancienne violoncelliste du Kronos, Joan Jeanrenaud, rejoint ses anciens camarades. C'est évidemment plus léger que la gravité de Gloria Coates, mais à chaque moment de la journée, à chaque humeur correspond la musique adéquate.