Très attaché à la cohérence entre théorie et pratique, je suis épaté par l'art et la manière dont la France Insoumise mène la campagne de Jean-Luc Mélenchon pour les élections présidentielles. Les arguments sont une chose, leur présentation en est, souvent, une autre. Or aucun candidat n'a jamais autant détaillé ses propositions depuis qu'existent les médias de masse que sont la télévision et surtout Internet. En complément du programme de 70 pages vendu 3 euros dans les librairies, sur les marchés ou en ligne, les équipes qui entourent le candidat publient 40 livrets thématiques téléchargeables gratuitement, incroyablement variés. Sur le Web, Mélenchon est devenu le plus gros Youtuber politique avec ses Revues de la semaine, dix-neuf depuis cinq mois, qui montrent une personne posée et détendue, loin de l'image détestable qu'en fait la presse, quotidiens possédés dans sa quasi totalité par quatre milliardaires français, chaînes de télévision à la solde du gouvernement actuel et des intérêts capitalistes. Même Médiapart se fait l'écho des autres candidats en le boudant. Ses discours sont pourtant des modèles de clarté et convainquent la plupart des gens qui se donnent la peine de les regarder par souci de penser par soi-même au lieu de déléguer à d'autres ce soin. Si vous pensez que je ne suis qu'un militant de base, fasciné par un tribun gueulard, je vous engage à faire l'expérience vous-même en regardant par exemple le dernier discours, celui de samedi à la Journée de l'écologie, une leçon de choses passionnante...


Je n'ai jamais entendu autant d'intelligence chez un homme politique, improvisant ses discours comme De Gaulle avec humour et détermination, mais surtout variant les thèmes chaque fois sans se répéter. Des Insoumis lui prêtent main forte, en transformant ses discours en rap avec un vocoder comme Khaled Freak, en adaptant le programme L'avenir en commun en bande dessinée comme Melaka, Reno Pixellu et Olivier Tonneau...


Il est évident que cela parle aux jeunes, mais Mélenchon s'adresse à tous les gens, à leur intelligence et leur sensibilité. À moins de faire partie des quelques puissants qui ont beaucoup à perdre s'il était élu, ses détracteurs ne l'ont pas écouté, du moins pas depuis le début de cette campagne. Il avait séduit quantité d'électeurs lors des précédentes élections présidentielles, autant déçu lors de l'épisode Hénin-Beaumont. Sa prise de conscience écologique l'a transformé de la même manière que Naomi Klein passant de La stratégie du choc à Tout peut changer : capitalisme et changement climatique. Jamais, depuis que je suis en âge de voter, un homme politique n'aura été aussi proche des idées pour lesquelles, jeune homme, je combattais. Il incarne autant l'imagination au pouvoir de mai 68 que l'urgence devant la destruction systématique de la planète. La seule objection qui me fasse parfois douter est le contexte soit-disant démocratique dans lequel s'insère cette démarche. À réduire la participation des citoyens à mettre une croix dans un carré ou appuyer sur un bouton le jour des élections, sans qu'aucune formation l'accompagne, il est certain que cela ne favorise pas l'autodétermination en connaissance de cause. C'est bien pourquoi la démarche pédagogique exemplaire de la France Insoumise enthousiasme celles et ceux qui ont pris la peine de s'y intéresser de bonne foi. Quelle que soit l'issue du scrutin, le travail colossal de ses militants permettra de se battre sérieusement, au gouvernement ou dans l'opposition.