La semaine dernière j'ai passé plus de temps à taper sur mon clavier d'ordinateur, dans le passé on disait à la machine, que sur mes touches noires et blanches. Certains jours, en me levant de bonne heure, je suis monté jusqu'à quatre articles : sur le thème de la refondation pour La Revue du Cube, sur ma collaboration avec Michel Houellebecq pour Les Cahiers de l'Herne, pour le Journal des Allumés du Jazz sur les rapports musique et Internet, dans cette colonne évidemment, pour le vinyle que publiera Le Souffle Continu réunissant des pièces en duo avec Francis Gorgé datant de 1974-1975, pour le site drame.org où j'ai ajouté ici et là de nouvelles pièces inédites retrouvées dans mes archives, etc.
Certains me prennent pour un journaliste, alors que cette activité périphérique est militante. Je me bats pour mes idées, pour défendre mon travail, pour aider les beaux projets des uns et des autres que les plumitifs professionnels négligent. Philippe Ochem a annulé la table ronde qui devait se tenir ce mois-ci à Jazzdor sur la presse et les blogs, dommage ! Mais comme disait Bourvil, "quand on est artiste, il faut faire tous les genres !" Mon rôle de producteur implique que je connaisse tous les postes, de la comptabilité à la direction artistique, de la vaisselle à la scène. Compositeur, je mets les mains dans le cambouis en interprétant mes propres ?uvres.


Je dois ainsi préparer le concert du 12 novembre au Triton où je reprends le spectacle Un coup de dés jamais n'abolira le hasard avec l'accordéoniste Pascal Contet et le saxophoniste-clarinettiste Antonin-Tri Hoang qui n'y ont encore jamais participé. Comme nous faisons tirer au public les thèmes de nos improvisations au hasard, je ne peux que fourbir mes armes en choisissant les instruments que j'emporterai ce soir-là. J'ai "posté" la newsletter pour l'annoncer. J'ai également envoyé au Triton le texte de présentation du concert de janvier prochain où je jouerai avec Bumcello ! Il ne reste que des petits détails à régler pour les projets en cours, au Louvre, à la Maison de l'île de la Réunion, à la Cité des Sciences et de l'Industrie, ainsi que sur tablette et plateau de jeu...
Je remets sans cesse au lendemain le gros projet personnel que j'ai entamé il y a cinq ans et qui devrait me donner beaucoup de travail dans l'année à venir. J'ai numérisé une vingtaine de films dont j'ai composé la musique dans les années 70-90, les supports VHS ayant commencé à se dégrader. Grande surprise de découvrir des partitions sonores que ma mémoire avait totalement effacées. Les premières sont souvent enregistrées au synthétiseur ARP 2600, les dernières avec un échantillonneur, mais j'utilise quantité d'instruments acoustiques si besoin, intégrant parfois des bruitages, m'associant aussi avec d'autres musiciens comme l'accordéoniste Michèle Buirette ou mes deux acolytes d'Un Drame Musical Instantané. Les incroyables Archives de la Planète montées par Jocelyne Leclercq pour la Cinémathèque Albert Kahn y tiennent une place importante, mais il y a aussi les clips de lancement de la Vidéothèque de Paris, celui du Congrès de Marseille de la Sacem, l'habillage qu'Étienne Mineur avait conçu pour Europrix à la télévision autrichienne, des films institutionnels qui imaginent un futur que nous avons dépassé depuis, des films d'entreprise qui en disent long sur la démagogie patronale, un documentaire sulfureux de Michèle Larue, etc.
Lorsque j'exécutais ce genre d'exercice à voix haute, je faisais rire ma regrettée camarade Brigitte Dornès qui disait que je révisais. En laissant ces traces, plus de 3200 articles rien qu'ici, j'édifie un gigantesque aide-mémoire qui vient rejoindre mes quatre-vingt cahiers intimes (pré-blog), mes archives et celles du Drame, mes bibliothèque, discothèque, bandothèque, vidéothèque, etcéthèque. J'ai très tôt compris l'importance que revêtirait de les organiser au delà de leur simple conservation. Les systèmes sophistiqués de recherche informatique m'ont rendu négligent. J'ai laissé tomber mes fiches en carton, mais je ne remplis plus ma base de données, sauf lorsqu'un nouveau projet l'exige. Le temps du partage suit celui de l'acquis. La possibilité que j'enchaîne encore quantité de créations me fait redouter une accumulation qui semble exponentielle malgré la miniaturisation des supports de sauvegarde. Plus la maison est grande plus on l'encombre, or elle arrive à saturation. Les perspectives existentielles que cette pensée engendre me fiche un peu la trouille.

Illustration : Arman, Infinity of Typewriters and Infinity of Monkeys and Infinity of Time = Hamlet (1962)
Extrait : Jerry Lewis, The Typewriter in Who's Minding The Store? (Un chef de rayon explosif), musique de Leroy Anderson (1950), film de Frank Tashlin (1963)