Comme j'avais beaucoup aimé La maison Von Kummerveldt et que nous avions évoqué les rares séries mettant en scène la psychanalyse, Michael Lemesre me suggère de regarder la série turque Bir Başkadır (traduit "C'est différent") que j'avais d'ailleurs récupérée sous le nom de Ethos. Le sujet s'appuie sur les différences entre ville et campagne, et surtout les conservateurs religieux et les laïcs révoltés par le voile. Si le point de vue politique n'est qu'effleuré, la lutte des classes un peu escamotée par une bonne conscience bourgeoise, il n'en demeure pas moins que Bir Başkadır renvoie tous les personnages au contradictions que révèle la psychanalyse et les rend tous particulièrement attachants. En montrant les faiblesses de chacun/e, le réalisateur Berkun Oya déchiffre les traumatismes individuels et les névroses familiales qui les poussent à leur mal de vivre. Le scénario montre également que la "guérison" peut passer par des voies diverses et que la psychanalyse n'est que l'une d'entre elles, du moins dans sa pratique. Énorme succès en Turquie, cette excellente série, servie par une remarquable direction d'acteurs et un regard acéré sur le paysage qui laisse une marque indélébile sur les individus, mérite d'être découverte, d'autant que ce n'est pas la seule réussite de son auteur.


Trois ans plus tôt, Berkun Oya avait signé Masum (traduit "Innocent"), une série policière aussi captivante, qui m'avait également échappé. Là aussi les trajectoires des personnages se trouvent étonnamment imbriquées, un peu à la manière d'un récit choral ; la folie les guette et les femmes y tiennent des rôles très forts dans un pays où le patriarcat s'exprime avec violence. La puissance de l'environnement social, mais également géographique, y est génialement rendue. Les questions posées par les uns laissent souvent sans voix celles et ceux à qui elles s'adressent, comme si le passé tu empêchait d'avancer. Bien qu'il n'y soit jamais fait référence, je ne peux m'empêcher de penser au génocide arménien dont le tabou marque forcément l'histoire du pays. Le mensonge, prétendument érigé par protection des êtres aimés, devient une arme à double tranchant. Comme dans l'autre mini-série (chacune se compose de huit épisodes), la rédemption, thème récurrent dans le cinéma turc, n'intervient qu'en faisant sortir les cadavres des placards. Les mots qui précèdent s'appliquent aux deux séries. Ajoutez la corruption pour la seconde...

Ces mini-séries sont diffusées sur Netflix comme nombreuses séries turques, deuxième producteur mondial après les États-Unis.