70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 23 novembre 2023

Les aventures glaçantes d'un sauna


J'ai la douloureuse impression de m'être fait arnaquer, et ce à plus d'un titre. Il y a sept ans j'ai acheté un sauna infrarouge extérieur à la société Atrium Concept. Or récemment un problème électrique a fait griller une partie de la centrale qui alimente les onze lampes, la lumière et l'auto-radio. La société en question, qui s'était bien gardée de préciser que la cabane de jardin était construite en Chine, a arrêté de commercialiser ses saunas pour se focaliser sur les pergolas. Elle m'assure n'avoir aucun contact avec son ancien fournisseur dont elle se dit incapable de me donner ses coordonnées. À l'époque de l'acquisition de mon Andromède 6, j'avais découvert le bol aux roses en recevant une lampe défectueuse depuis Hong Kong. Aucune marque ne figurait sur la cabane en kit, 500 kilos à monter soi-même. Depuis, j'ai profité quotidiennement de la douce chaleur et résolu ainsi partiellement mes problèmes vertébraux.
Hélas, il y a quelques jours, alors que j'étais allongé sur l'une des banquettes, j'ai entendu un krrrrrr inquiétant suivi d'une coupure de courant et d'une petite odeur de brûlé. J'ai eu du mal à trouver un réparateur, mais la société SMIPE m'a donné un rendez-vous rapide. Petit hic, le diagnostic est facturé 195€. J'aurais dû me méfier, surtout après avoir lu les commentaires sur le net, mais je n'avais pas vraiment le choix. Un pisciniste (!) a donc ouvert la centrale électrique, pris quelques photos et m'a assuré qu'il allait remédier à la panne en changeant les composants. Quelques jours plus tard, je recevais un mail m'expliquant que "suite à notre visite technique, nous sommes au regret de vous annoncer que les pièces de votre sauna ne sont plus disponibles. Après recherche nous avons pu trouver un matériel qui pourrait éventuellement correspondre. Nous pouvons tenter d'adapter ce matériel mais cela entraînera des modifications au niveau du sauna et son fonctionnement." Comme je demandai des précisions, on me répondit que "certains éléments du sauna ne seront peut-être pas adaptables tels que la lumière ou la musique. Il faudra aussi changer le panneau de commande qui n'a pas la même forme que l'ancien et laissera sûrement un trou apparent. Cette solution aurait un coût d'environ 2000 euros pièces et main d'œuvre comprises. Nous pouvons par ailleurs vous proposer un devis pour l'installation d'un nouveau sauna ce qui sera pour vous une solution peut-être plus avantageuse financièrement. Dans ce cadre, le prix des saunas varient entre 4000 et 6000 euros. Nous pouvons également nous débarrasser de l'ancien moyennant un supplément de main d'œuvre." Je demandais donc encore une fois des précisions, en particulier en quoi la seconde proposition était "peut-être plus avantageuse financièrement" (!), mais ne reçus plus aucune réponse.
Voilà où j'en suis. J'hésite à chercher un autre réparateur (mais y en a-t-il de réellement compétent ?), à détruire la baraque pour en remonter une autre (aïe, la douloureuse), à transformer le bâti en sauna traditionnel en acquérant simplement un poêle électrique avec des pierres qu'on arrose de temps en temps (peut-être pas si bête, mais où m'adresser ?) ou à transformer mon ancien sauna en abri de jardin ! En attendant je sue sur mon vélo d'appartement en sillonnant les paysages du Bhoutan ou du Costa Rica.

Fictions de Birgé & Martin dans Bad Alchemy


Aïe, il y a un trou béant dans ma birgéologie. Parce que Fictions (Ouch ! Records, V0001/20, LP) n'est pas sorti chez GRRR, mais chez un parent onomatopéique qui pince en tournant, Ouch !, soit LIONEL MARTIN. Son saxophone ténor, son looper et ses pédales d'effets s'accordent avec les claviers, Lyra-8, The Pipe, percussions, erhu, voix, guimbarde et flûte de JJB. Martin a gagné ses galons de Madsaxx à Lyon avec le trio Résistances, Ukandanz et le pianiste Mario Stanchev. C'est lui qui, après s'être régalé magiquement d’andouillette, de gratons et de purée patate-céleri rave-réglisse-sirop d'érable, a proposé de partir des phrases du livre de J.L. Borges, qu'il avait découvert grâce à "Perramus" d'Alberto Breccia & Juan Sasturain : 'Le jardin aux sentiers qui bifurquent', 'À l’espoir éperdu succéda comme il est naturel une dépression excessive' (extrait de 'La bibliothèque de Babel'), 'Nos coutumes sont saturées de hasard' (extrait de 'La loterie à Babylone') et 'Ut nihil non iisdem verbis redderetur auditum' (extrait de 'L'implacable mémoire'), où Ireneo Funes, au lieu d'avoir une mémoire plus courte que la plus courte des chemises de nuit (comme moi), en a une si monstrueuse qu'il pourrait se souvenir mot pour mot de l'intégralité d''Ulysse'. Birgé, qui aime optimiser la musique par la convivialité, l'amitié et la gastronomie, s'est à nouveau plongé, comme un somnambule, dans la poésie sonore du fantastique, constatant avec le recul : rien de comparable à ce que j'ai fait jusqu'à présent. Presque méditatif, même si c'est aussi riche et coloré que d'habitude, avec des différences de dynamique incroyables. Ce sont les seules différences qu'il admet, pas celles de l'âge, de la célébrité ou du style. Pour lui, jouer ensemble est un mode de conversation privilégié qui permet d'entrer modestement dans l'intimité de chacun. Et de redécouvrir ainsi les raisons profondes de chaque engagement, qui remontent, sans doute pour chacun, loin dans l'enfance. Ici, un cheval s'ébroue et hennit dans le jardin, Martin pique et meugle, Birgé fait de la dentelle au balafon. L’enjeu est ensuite celui du discret espoir que la révolte ne soit pas suivie chaque fois par une déception. Tous deux en rêvent, Martin l'évoque avec son bec d'oiseau de mer et son blues hymnique et timide, Birgé avec ses tremblantes baguettes. Est-ce par hasard qu'il joue de la guimbarde et de la trompette sur le ténor qui boue ? Et qu'est-ce que la compulsion du souvenir emporte si élégamment avec elle ? En vagues douces et amples, langage mutilé, grondant et pétillant d'écume, avec des coups de saxo ostinato, des sons de synthé fantomatiques, comme une vague stationnaire teintée des sons du saxo, heurtée parfois de manière sourde, certainement sans ‘ouch’ ni ‘grrr’, inexorablement captivant. [BA 122 Rigobert Dittmann, traduit de l'allemand tant bien que mal par JJB].