70 Multimedia - décembre 2022 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 22 décembre 2022

Une histoire populaire de l'empire américain


La prolifération de bandes dessinées politiques à contenu historique fait penser aux illustrés de propagande avant l'avènement des actualités cinématographiques et de la télévision. Je tiens ainsi de mon père un exemplaire de 1912 de L'Alsace heureuse de Hansi qui n'est pas piqué des doryphores. Il est de véritables chefs d'œuvre tel Maus d'Art Spiegelman (Prix Pulitzer 1992), des sagas autobiographiques tel Persepolis de Marjane Satrapi, des reportages impliquant directement des journalistes tels Le photographe de Didier Lefèvre (décédé prématurément en 2007) ou Gaza 1956 de Joe Sacco, des enquêtes pamphlétaires tel L'affaire des affaires de Denis Robert, etc. Certains sont des adaptations de livres existants tel Une histoire populaire de l'empire américain de Howard Zinn (disparu le 21 janvier 2010), les autres ayant été pensés à l'origine dans leur format actuel. Les meilleurs réunissent un dessin original qui colle au propos, un scénario digne des meilleurs romans et une mise en page tenant compte des tournes, tandis que les pires joueront le rôle de vulgarisateurs auprès de jeunes lecteurs qui ne sont pas encore passés à la lecture proprement dite. J'en fais momentanément partie.
Le volume 2 du livre de Denis Robert me donna envie de continuer mes recherches sur le Net ou dans d'autres ouvrages, et je finis par comprendre grâce à lui comment fonctionnent le blanchiment de l'argent sale et les pouvoirs limités des États entre les mains des maîtres-chanteurs de la finance. Le résumé illustré de Howard Zinn, réalisé en collaboration avec le dessinateur Mike Konopacki et l'historien Paul Buhle, tient plus du livre d'histoire en bandes dessinées, mais il a le mérite de révéler des pans cachés ou méconnus de l'histoire américaine, depuis le massacre des Indiens à Wounded Knee jusqu'en 1980 lors de la chute du Shah d'Iran. On reconnaît avec effroi que la politique expansionniste américaine n'a pas changé depuis sa fondation, s'appuyant toujours sur le crime, le parjure, l'injustice, la guerre et le colonialisme. Étouffer ces pages d'Histoire, c'est la reproduire éternellement jusqu'à la catastrophe inévitable, puisque tous les empires finissent toujours par s'effondrer dans la honte et la déchéance. Il est passionnant de découvrir les révoltes des esclaves et le mouvement des Noirs contre le racisme et pour les droits civiques, la résistance des ouvriers et des syndicalistes contre le Capital, le combat des femmes contre le patriarcat, les guerres incessantes de Cuba aux Philippines, du Vietnam à la péninsule arabe, les ingérences en Amérique du Sud comme dans tous les pays du monde. Même si l'on est vaguement au fait de tout cela, l'ouvrage nous éclaire sur maint détail à nous en laisser pantois. Aucun doute n'est permis sur les méthodes monstrueuses et illégales des gouvernements américains successifs depuis des décennies. Les complots fomentés par la CIA sont légion et qui en doute peut se poser la question de son utilité sinon ! Leurs archives ont le mérite d'être déclassifiées plus rapidement qu'en France... Savoir enfin que la résistance existe toujours où que s'exercent l'horreur et la répression est facteur d'espoir. À condition de vivre debout.

Article du 29 avril 2010

jeudi 15 décembre 2022

Je rêve


Je rêve d'un film en 5.1 où les sons diffusés derrière les spectateurs les inciteraient à tourner la tête pour qu'ils ratent ce qui se passe sur l'écran, rajoutant du suspense, de la frustration et du désir. Je rêve d'un film en 3D où les images viendraient vous chercher sur votre fauteuil en vous chatouillant le nez, des personnages qui sortiraient de l'écran pour venir vous susurrer des choses à l'oreille, comme une traversée du miroir. Je rêve d'une chaîne de télévision généraliste où toutes les émissions seraient en direct, mettant en scène le réel et ses aléas. Je rêve d'un spectacle en public où chaque représentation serait radicalement différente, on appellerait cela improviser. Je rêve d'un disque dont on aurait envie d'accrocher la pochette au mur comme un tableau. Je rêve d'un orchestre qui accompagnerait les informations en direct, analysant la fiction à l'œuvre dans le 20 heures par une dramatisation épique des événements. Je rêve que les speakers se mettent à chanter pour casser leur immuable et uniforme prosodie. Je rêve de danses qui poussent à se toucher. Je rêve de livres tels que l'on ne puisse s'empêcher de les lire à haute-voix. Je rêve que les villes trouvent chacune leur style d'urbanisation sonore, que leurs murs se parent de couleurs, que les objets du quotidien devenus customisables rivalisent de fantaisie. Je rêve que l'on apprenne à se servir des merveilleux outils qui sont les nôtres. Je rêve de trouver chaque jour une nouvelle idée pour pouvoir continuer à écrire. Je rêve de choses plus graves et d'autres plus légères. Je rêve d'avoir toujours la patate pour aborder les premières. Je rêve de prendre le temps de profiter des secondes. Je rêve que les capitalistes aient une autre solution que la guerre pour sortir de la panade. Je rêve que les populations les renversent avant la catastrophe.

Diapo-montage, 1965.

Article du 30 mars 2010
Cette fois, pas d'autre choix que de revenir sur ces souhaits toujours d'actualité, une grippe carabinée me rendant incapable de faire quoi que ce soit, même de dormir, ainsi ces rêves me requinquent un peu...