70 Multimedia - mars 2024 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 22 mars 2024

À la découverte du patrimoine méconnu d'Île-de-France - Épisode 1


Répondre à des projets de commande me fait me sentir utile. Je suis reconnaissant à Sonia Cruchon de m'avoir recommandé pour la sonorisation des dix épisodes de la web-série À la découverte du patrimoine méconnu d'Île-de-France réalisés par la DRAC. Passé le petit jingle récurrent, ce sera chaque fois différent. Édifices insolites, objets mobiliers singuliers, monuments méconnus, mon design sonore accompagnera la narration portée par la voix off de Sonia (et de temps en temps Nicolas Le Du) et l'animation de Morgane Bouard.
Le premier épisode, mis en ligne hier, raconte la Maison Fournaise, ginguette-hôtel située sur l'île de Chatou dans les Yvelines. Fréquentée par les impressionnistes et nombreux artistes à la fin du 19e siècle, Auguste Renoir y a peint le célèbre Déjeuner des canotiers. Le petit film, qui ne dure que 3 minutes 38, me donne très envie d'y aller faire un tour. Au piano, composition inspirée par Gabriel Fauré, j'ai simplement ajouté le son des pages que l'on tourne et quelques ambiances : campagne des bords de Seine, locomotive à vapeur, hôtes du restaurant. J'attends avec curiosité les prochains épisodes.

Étonnant Patrimoine ! - #1 La Maison Fournaise

lundi 18 mars 2024

Le punk et le rock alternatif en bande dessinée


J'ai dévoré la nouvelle bande dessinée d'Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog, Vivre libre ou mourir. À grand renfort d'entretiens avec celles et ceux qui ont vécu ces années révolutionnaires, de 1981 à 1989, les auteurs réussissent à me faire comprendre un mouvement qui m'avait échappé alors. Mieux, ils me révèlent enfin pourquoi Un Drame Musical Instantané se retrouvait sur des disques de compilation avec des groupes qui nous semblaient très éloignés de nos préoccupations musicales, comme chez V.I.S.A. pour qui nous avions enregistré Utopie Standard. Le lien était éminemment politique. À cette époque nous avions délaissé le rock pour le free jazz, la musique classique, la plus contemporaine surtout, le théâtre musical, les ciné-concerts, et une indépendance qui nous évitait toute étiquette. Le Gouëfflec et Moog l'ont remarquablement compris et traité dans leur précédent ouvrage à succès, Underground.
Avoir discuté avec Lionel Martin (Mad Saxx), avec qui j'ai enregistré le vinyle Fictions, m'avait éclairé sur le mouvement punk. Ayant participé à l'aventure de Bérurier Noir, il a même récemment sorti No Suicide Act, un disque en duo avec leur chanteur, François Guillemot dit Fanxoa. Les autres protagonistes des Bérus, Loran, Masto et Laul (ex-Lucrate Milk), Marsu, Florence Duquesne/La Grande Titi, Karine/Mistiti sont aussi présents dans la BD, tout comme Jean-Yves Prieur (Kid Bravo, Kid Loco), Spi (OTH), Rémi Pépin (Guernica), Olivier Tena (Les $heriff), Antoine Chao (Los Carayos, Mano Negra), Didier Wampas, David Dufresne, Catherine Lemaire alias KK (Pervers Polymorphes Inorganisés), Géraldine Doulut (Kochise), etc. On y croise évidemment les disparus, François Hadji-Lazaro (Les Garçons bouchers, Pigalle) et Helno (Négresses vertes).
Les dessins de Moog suivent merveilleusement la narration décousue et recousue de Le Gouëfflec si bien que tout se tient, une histoire palpitante, un rêve de jeunesse, de changer le monde, rageusement, renvoyant sans cesse à l'actualité politique d'alors, tout en assumant le fantasme sex, drugs & rock 'n roll. Ils arrivent à rendre vivant un mouvement qui s'est éteint, mais pourrait toujours renaître sous une forme nouvelle, racontant ce que ces musiciens en herbes folles sont devenus, avec en prime une discographie illustrée de 48 albums... Ce roman graphique, comme on appelle aujourd'hui les bandes dessinées pour "adultes", dresse remarquablement le portrait d'une époque où la jeunesse portait encore de belles utopies, une "jeunesse qui emmerde le Front National", une jeunesse qui prendra toujours le risque de vivre libre ou mourir. C'est à la fois encourageant et cela fait forcément peur. On ne vit qu'une fois, mais rien n'est figé dans le marbre.

→ Arnaud Le Gouëfflec & Nicolas Moog, Vivre libre ou mourir, 176 pages, Éditions Glénat/ Collection 1000 Feuilles , 22,50€

mardi 12 mars 2024

Les ballets quantiques d'Antoine Schmitt


Depuis cet article du 14 mai 2012, et bien avant cela depuis notre collaboration sur Au cirque avec Seurat, Carton, Machiavel, Nabaz'mob, etc., Antoine Schmitt a fait du chemin. À cette heure il est d'ailleurs en vol pour Melbourne. Et son site en atteste. Ses échelles relatives du pixel à l'univers, ses réflexions sociétales, habitent ses créations informatiques. Ce démiurge de l'algorithme a repoussé les limites du petit écran. Il s'expose dorénavant régulièrement...


Est-ce son passé de night-clubber qui entraîne Antoine Schmitt dans la danse ? Son nouveau cantique des quantiques renvoie-t-il à son Christ mourant sans cesse et profane en diable ? Le danseur projeté [...], tronc composé de seulement huit segments, subit un autre martyre de ne pouvoir s'arrêter qu'à l'extinction des feux, rappelant Le Masque de Maupassant filmé par Ophüls et Les chaussons rouges d'Andersen par Michael Powell. Condamné à vivre éternellement sous la loi du code informatique, il danse, il danse selon et contre toute logique. [...] Les créatures comportementales qui sont chair (virtuelle) à Antoine Schmitt se multiplient sur les écrans et se rassemblent comme le Christ articulé de Salvador Dali au Musée de Figueras.


Le même algorithme quantique anime les quatre écrans des Ballets quantiques où les danseurs sont réduits au plus simple appareil, le pixel, avec Le pixel blanc originel de toute l'œuvre de l'artiste projeté en grand à côté d'une photo noir et blanc d'un instantané figé de la chorégraphie. À regarder dans le silence ces mouvements infinis réglés par l'indétermination, on se prend à y deviner des portés lorsque les points s'empilent ou des chassés lorsque leur nombre explose. Antoine Schmitt suggère "des forces invisibles à l’œuvre derrière les systèmes complexes, comme les particules, les peuples, les sociétés". Ses travaux jouent du va-et-vient entre le réel et le virtuel, le concept et sa réalisation imaginaire, l'inconscient de l'individu et les mouvements de masse... Le mystère de la création doit composer avec la trivialité de la moindre interprétation.

vendredi 1 mars 2024

Immersion au musée Vieira da Silva


La mode des expositions immersives où l'on se promène au milieu de reproductions géantes de tableaux de maîtres accompagnées d'un sirop musical d'époque ne m'a jamais convaincu. Je n'y ai jamais vu qu'une déclinaison assommante de la boutique cadeaux avec ses marque-pages, porte-clefs, magnets et cartes postales. Cela peut constituer un souvenir, mais on n'y apprend rien et l'on est loin de l'émotion ressentie face à l'original, fut-ce une miniature.


Je préfère évidemment le traitement qu'en avait fait Pierre Oscar Lévy pour Samsung avec Révélations, une odyssée numérique dans la peinture, collection de 23 tableaux dans lesquels nous rentrions en choisissant chaque fois un angle narratif en relation avec l'œuvre et les circonstances dans lesquelles elle avait été peinte. J'en avais assuré la direction artistique et la musique, ayant choisi d'éviter le moindre commentaire parlé. Nos films s'étaient retrouvés exposés au Petit Palais, la première fois sans qu'aucune œuvre originale soit montrée. Ce choix n'était pas le nôtre. Nous aurions adoré présenter L'enfant au toton de Chardin à côté de notre interprétation, certes un peu iconoclaste, ou Les ambassadeurs de Holbein qui indiquait la position agenouillée sous le Christ discret qu'il fallait adopter devant le tableau pour admirer l'anamorphose...


Pourtant en découvrant la salle immersive de la Fondation Arpad Szenes-Vieira da Silva à Lisbonne je fus conquis par la mise en espace réalisée par Oskar & Gaspar sur une musique de Rodrigo Leão. Les tableaux de Maria Helena Vieira da Silva se prêtent très bien aux programmations numériques 3D qui me rappellent celles de Frédéric Durieu pour notre CD-Rom Alphabet il y a déjà 25 ans. L'idée d'installer un miroir déformant sur le mur de l'entrée est excellente, cela évite d'être ébloui par l'un des vidéoprojecteurs lorsqu'on pénètre dans l'obscurité et donne un mouvement supplémentaire aux décompositions auxquelles se sont amusés les réalisateurs. Nous avions auparavant admiré les villes survolées de l'artiste, paysages en mosaïque où les lignes de fuite suggèrent d'imperceptibles mouvements abstraits.